The Prix d’excellence de la SODEP [SODEP’s Awards of Excellence] aim to recognize contributors whose work has made an outstanding contribution to the quality of Quebec’s cultural journals. This year, Érudit is a partner in the new “Article de vulgarisation [Popularization Article]” award.
But what exactly is the popularization of science? Cultural journals play an important role in it, and thus in the dissemination of knowledge within society. To help us clarify this key role and its issues, we invited the three finalists to give their opinion on the question — here is what they had to say.
Emma Lansdowne, « La question de la conscience des plantes dans l’art contemporain » in Esse arts + opinions.
Professional horticulturist and PhD student in English and Cultural Studies at McMaster University
“It has been my privilege over the course of my professional life to move between academic and non-academic fields of study and work. In doing so, the discursive and material separation between these spheres has become increasingly apparent, and I have long been inspired to engage in a writing and research praxis that seeks to bridge the gaps between what are often disjunctive modes of seeing and understanding the world. Cultural magazines play an essential role in mediating between the academic and non-academic by disseminating to a broader public academic research that might otherwise remain inaccessible in multiple ways. In offering forums for cross-disciplinary, cross-cultural, and inclusive exploration of new ideas, cultural magazines like Esse drive the popularization of progressive socio-cultural modes of thought that are being fostered by writers, thinkers, artists, and activists within and outside of academia.”
Mathieu Bergeron, « Le bien commun à l’ère des algorithmes » in Liberté.
PhD in computer science, professor at Collège Montmorency and author of the award-winning article
“Pour moi, chaque article de vulgarisation contribue à aménager un espace de discussion sur les impacts culturels profonds qu’ont les sciences et les technologies. Il ne s’agit pas uniquement d’en critiquer les impacts négatifs, mais aussi d’explorer ensemble les choix humains qui leur donnent forme. Il faut résister à voir nos technologies comme des outils neutres, qui ne feraient que faciliter l’émergence ou la diffusion d’idées ou de récits «purement humains». Au contraire, la science et la technique ont toujours contribué à façonner nos cultures, un mouvement qui ne fait que s’accélérer avec la montée de l’intelligence artificielle. Ce que je nous souhaite, c’est un processus continu d’ingestion et d’appropriation du formidable engin de changement qu’est la science. Les revues culturelles sont un véhicule de choix pour soutenir ce processus (et concernant l’IA, les revues du Québec pourraient s’avérer particulièrement importantes, vu la qualité de la recherche en IA qu’on trouve ici). Ce dont je rêve, c’est que cette réflexion se greffe pour de bon à notre imaginaire collectif, tant et si bien que celles et ceux qui travailleront sur les technologies de demain auront le réflexe d’en soupeser les impacts culturels, et chercheront à le faire sur la place publique. Plus que jamais, nous avons besoin de canaux de communication robustes entre les gens de sciences et les gens de lettres, entre les gens de technique et les gens de conscience.”
Gilles Bibeau, « La sagesse antique derrière l’approche écosystémique » in Relations.
Professor Emeritus, Department of Anthropology, Université de Montréal
“ « Il y a les experts, il y a les penseurs, et puis, il y a le peuple. Le peuple inattendu. C’est-à-dire des voix et des pensées que personne, ou rien, ne laissait présager » Michel Butel.
Une annonce alléchante nous a été faite, celle de la société du savoir généralisé. Mais quand on évoque l’émergence de la société du savoir, veut-on dire que l’ensemble des savoirs portant sur la nature, sur la vie et sur les mondes construits par les sociétés humains seront bientôt possédés par un nombre de plus en plus grand de personnes ? Sommes-nous vraiment en train de sortir de l’âge de la communauté consommatrice des savoirs pour entrer dans une époque où les capacités de production de connaissances se déploieront dans l’ensemble de la société ? Quelle sera la contribution des sciences citoyennes dans le développement de la société du savoir généralisé ?
De quels savoirs s’agit-il au juste ? Qui en sont les détenteurs ? Et qui est habilité à rendre compte de ces savoirs ? On s’attend aujourd’hui à ce que les scientifiques sortent des espaces protégés des institutions de haut savoir et des laboratoires, et qu’ils/elles s’impliquent dans les débats publics qui ont cours autour des différents problèmes auxquels le monde d’aujourd’hui se trouve confronté. Et qu’ils/elles interviennent dans une langue compréhensible. Les controverses, les débats et les discussions qui sont au cœur même de la vie scientifique sont heureusement en train de se déplacer au cœur même de la société.
La science moderne est devenue tellement technique et les théories tellement sophistiquées que les nuances des débats autour de la nature, de la vie et du psychisme peuvent échapper aux non-spécialistes. Il est pourtant faux de penser que seul un tout petit nombre de spécialistes peuvent maîtriser la complexité. Plus que l’université pour tous, la société du savoir nous force à aborder toutes les questions sous l’angle de la démocratisation des savoirs, notamment du point de vue de l’articulation entre les savoirs ordinaires que les citoyens développent à l’égard de leur monde et les savoirs académiques et savants inventés par les spécialistes.
Peut-être vivons-nous aujourd’hui l’opportunité de bâtir une société plus attentive à la solidarité de toutes les catégories de citoyens engagés dans la production des savoirs ; peut-être avons-nous la chance de reconfigurer en profondeur notre rapport collectif au savoir. On ne doit pas oublier que le style de pratique scientifique qui domine à un moment donné de la vie d’une société tend à modeler l’ensemble de la société : des institutions comme l’hôpital, les tribunaux, les médias se transforment en effet à travers leur capacité à absorber d’une manière critique le contenu des savoirs sur la vie, la mort, la vérité, la nature, en un mot sur l’unité complexe de ce qui nous fait Humain.